Au risque du developpement personnel

Certaines lectures inspirantes peuvent parfois nous pieger et enfermer nos clients… 

 Lors de ma formation en #coaching, j’ai découvert de nombreux auteurs fortement recommandés : Daniel Kahneman, Daniel Goleman, Gary Chapman, mais aussi Christophe André, Gérald Bronner ou Fabrice Midal.  
Ils étaient présentés comme des références clés pour comprendre les croyances, les relations humaines, le bien-être, ou les émotions.

- Comme beaucoup, j’ai été séduite par la promesse de Gary Chapman de mieux se comprendre, mieux aimer, mieux communiquer.  
- Par l’intelligence émotionnelle de Goleman, qui invite à devenir plus conscient et empathique.  
- Par les systèmes 1 et 2 de Kahneman, qui expliquent nos erreurs de jugement.  
- Par la pleine conscience chez André ou Midal.  
- Par les travaux de Bronner sur les extremismes ou les biais cognitifs.

Mais avec ma casquette de sociologue, j’ai vite été dérangée par la logique d’individualisation du mal-être et de la responsabilité personnelle omniprésente.

Ces auteurs tendent, même si c’est de façon implicite, à faire de la souffrance ou des émotions un ressenti négatif et une “mauvaise gestion” de soi :
- Tu es stressé ? Médite.  
- Tu souffres ? Change ton regard.  
- Tu es en désaccord ? Dépasse ton ego.  
- Tu es malheureux ? Adapte ta posture mentale.
—> Le problème est en toi. Et la solution aussi. Alors fais des efforts!

Pourtant, ces discours sont souvent bienveillants, inspirants même. Mais ils passent à côté des contextes sociaux et organisationnels. 
En faisant reposer la difficulté uniquement sur l’individu, on occulte les dysfonctionnements systémiques : pressions, injonctions implicites, stress chronique, violences structurelles, management toxique…

En outre, ces concepts, parfois utiles à titre individuel, sont souvent utilisés (et vendus) de façon instrumentale dans les entreprises. Au total, cela contribue à déresponsabiliser les structures et les pousse toujours plus à demander à chacun de mieux “gérer” ses émotions ou ses comportements.
—> Mais, lorsqu’on accompagne les personnes, sous entendre à quelqu‘un d’épuisé qu’il doit juste méditer pour mieux gérer le stress, c’est renforcer sa culpabilité et son impression de ne jamais en faire assez. 

En tant que #coach, utiliser ces outils sans recul, c’est risquer de devenir un vecteur de cette violence ordinaire et souvent inconsciente en entreprise (Gilles Herreros).  
En tombant dans le piège de l’individualisation, on dédouane des environnements parfois maltraitants, infantilisants, ou irréalistes.
Or il me semble qu‘en tant qu’accompagnant, notre rôle c’est aussi de nommer les structures qui génèrent la souffrance, et d’accompagner non seulement la transformation intérieure, mais aussi et peut être surtout la prise de conscience systémique. #supervision #pratiquesnarratives