La figure du fou, miroir du coach narratif?

La figure du fou est à l’honneur en ce moment au Louvre. J’y vois un miroir tendu aux coachs narratifs😉…

La figure du fou dans l’histoire est souvent associée au carnaval. On la retrouve par exemple chez Agulhon, Bakhtine, Le Roy Ladurie ou encore Turner. Bien que leurs approches diffèrent profondément, il y a chez chacun d’entre eux l’idée que le carnaval peut se comprendre comme un espace de liberté temporaire où les normes, les hiérarchies et les conventions sont mises à l'épreuve.

Chez Bakhtine, le fou incarne plutôt une subversion joyeuse et grotesque qui permet l’inversion des rôles et la critique des puissants. Chez Agulhon il incarne la révolte contre l'ordre établi au sein de communautés rurales en voie de politisation. Dans « Le Carnaval de Romans », la figure du fou est à la fois un exutoire mais aussi un porte parole de la protestation sociale. Le carnaval n’est plus vraiment joyeux mais il devient le lieux de l’expression des tensions sociales et de la violence de classe. Turner voit quant à lui dans la figure du fou, l’incarnation de l’idée de liminarité. Le carnaval est à la fois espace de communitas, espace de folie et espace momentané de solidarité et d'égalité. Le fou est celui qui permet la déconstruction et le passage, grâce à la mise à distance des rôles sociaux. Les rituels qu’il incarne aide les individus à réfléchir aux structures qui organisent leur vie.

La tentation est forte de faire le parallèle entre cette figure ambivalente du fou et celle du coach narratif en entreprise. 

Tous les deux incarnent à la fois la  critique de l’ordre établi tout en faisant office de soupape de sécurité pour mieux canaliser les frustrations…

Comme le roi fou du carnaval, en créant un espace à la fois hors du temps et temporaire, le coach narratif invite la personne à renverser l’ordre subi pour reprendre position en offrant la liberté d’approfondir sans jugement toutes les questions d’identité, y compris les plus saugrenues voire les plus folles.

Se gardant bien de défier directement l'autorité, comme le fou du roi avant lui, il aide néanmoins les personnes à "déconstruire" les valeurs, les croyances et les récits dominants imposés par le contexte de l’organisation et de la société.

Comme dans les peintures de Jerome Bosch, les comportements excessifs grotesques et souvent absurdes peuvent y être dépeints. Les notions de pouvoir et de normalité, y être questionnées. 

Mais en aidant à la construction de récits alternatifs et en permettant aux personnes ou aux équipes de reconstruire du sens et de retrouver leur place dans la communitas, les coaching narratif contribue indirectement à renforcer aussi la dynamique de l’entreprise. Tout comme le fou, en offrant la possibilité du rire et de la critique, le coach en entreprise contribue qu’il le veuille ou non, à la légitimité du pouvoir du roi.

Un peu ce que Crozier a  d’ailleurs appelé la marginalité sécante…